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HISTOIRE DE NERIS LES BAINS
23 août 2006

LE CHATEAU DE CERCLIER

LEGENDE DE L'AUBEPINE ET DE LA ROSE BLANCHE

Cerclier, transformé aujourd'hui en une élégante demeure moderne, a été jadis un château puissamment fortifié, ainsi qu'en témoignent les vestiges des fossés, et les belles tours que l'on peut admirer sur la façade du parc.

Cerclier

Ce château a-t-il été jadis le théâtre d'évènements importants et d'intéressantes légendes ? Je ne sais, et le propriétaire de Cerclier n'a pu satisfaire ma curiosité ; toutefois, en visitant son beau jardin il m'a rappelé quelques coutumes avec deux gracieuses légendes que les jeunes filles de chez nous aimaient beaucoup à conter il y a quelques cinquante ans ; elles nous expliquent pourquoi nos jardins bourbonnais renferment presque toujours des roses blanches, et sont souvent entourés d'une belle hair d'aubépine.

D'ordinaire, le jardin du paysan bourbonnais renferme peu ou pas de fleurs, cependant, parfois, on voit çà et là disposés en bordure et sans aucun ordre, quelques pieds de Cocus (primevères), de Gatelières (mauves), d'Ulliers ou de Carafés, et quelques grands soleils jaunes d'une hauteur démesurée. Il y a souvent aussi quelques pieds de Chrysanthèmes pour orner les tombes à la Toussaint, car le Chrysanthème, dit-on, parle avec les morts et leur tient compagnie.

Chez les gens comme il faut, on trouve encore presque toujours pour porter bonheur : un ou deux pieds de buis, dont les branches serviront pour les Rampans ; un buisson de roses blanches, quelques pieds d'Ebaupin.

Chacun sait que le buis porte bonheur et met à couvert de la sorcellerie ; la rose blanche porte également bonheur parce que c'est la fleur de la Vierge Marie ; jadis il n'y avait que des roses rouges et Marie en possédait un pied qu'elle cultivait avec soin ; un jour, elle n'avait pas d'eau pour les arroser car durant l'été, l'eau était très rare en son pays ; à grand'peine des voisins lui en apportèrent, mais pendant son absence, comme Joseph revenait de travailler et qu'il était très altéré, il but cette eau. Les pauvres roses se desséchèrent, et l'enfant Jésus, qui avait coutume de s'amuser avec et de respirer leur parfum, se mit à pleurer en les voyant en cet état ; alors Marie laissa tomber quelques gouttes de son lait sur les roses flétries, aussitôt elles reprirent la vie mais devinrent toutes blanches. C'est depuis lors qu'il y a des roses rouges et des roses blanches, celles-ci sont consacrées à la Vierge Marie qui aime à en voir fleurir ses autels, et protège ceux qui les cultivent dans leur jardin.

La légende de l'ébaupin, c'est ainsi que chez nous on nomme l'aubépine, n'est pas moins naïve, ni moins gracieuse.

Un jour que la Vierge Marie avait été laver, elle fut surprise par un violent orage : effrayée par la foudre, elle se mit à l'abri sous un grand ébaupin, et finit par s'endormir sous son ombre avec l'enfant Jésus. Mais le lendemain au matin, elle s'aperçut que ses langes ayant été mouillés par la pluie, l'enfant avait froid et commençait à trembler. Remplie d'inquiétude, Marie déshabilla son fils et le coucha à l'abri de l'ébaupin, tandis qu'elle étendait ses langes sur les branches de l'arbre pour les faire sécher.

Et le soleil se fitCerclier_001 plus ardent pour sécher les langes, tandis que les feuilles et les fleurs de l'aubépine se serraient les unes contre les autres pour mieux abriter le divin enfant. Aussi, quand Marie, toujours inquiète, reprit son fils et l'embrassa pour le réchauffer, Jésus qui ne tremblait plus sourit doucement à sa mère, et Marie pleine de grâces sourit à la fois à son enfant et à l'arbre qui l'avait protégé.

Depuis ce moment, la fleur de l'aubépin, jusque-là sans odeur, comme celle des autres épines, exhale un parfum ineffable, plus doux et plus agréble que celui de toutes les autres fleurs. Et l'aubépin resta l'arbre préféré de la Vierge Marie ; aussi quand le Christ mourut, il voulut que ses rameaux fournissent la couronne de douleur que les Juifs placèrent sur son front, afin que, pendant son agonie, l'arbre béni lui rappelât sa mère et les tendres soins dont elle avait entouré son enfance. Ainsi consacrée par le sang d'un Dieu, l'ébaupin ne peut manquer d'avoir des vertus merveilleuses.

Nos paysans croient qu'il n'est jamais frappé de la foudre, et qu'il a le pouvoir, ainsi que le buis, de détourner les maléfices et de porter bonheur : aussi nos bergères ont souvent dans les champs un rameau d'ébaupin, persuadées qu'elles sont, que cela suffit pour les protéger contre l'enfer et ses suppôts.

Aussi les personnes prudentes ont-elles soin de cueillir le premier rameau d'aubépin qu'elles trouvent fleuri et de la placer dans les combles de leur maison pour la garantir du tonnerre. Et en effet, le feu du ciel ne frappera jamais la maison protégée par un rameau de l'arbre qui a protégé contre l'orage le Christ et sa mère.

De même aussi, les jeunes gens de nos villages, quand vient le mois de mai, le mois où fleurit l'aubépine, s'empressent-ils d'emporter d'énormes touffes entrelacées de rubans devant la porte des jeunes filles qu'ils désirent comme fiancées. C'est ce qu'ils appellent planter le Mai, car il donne à l'aubépine le nom du joli mois où sa fleur s'épanouit. Et ce Mai est à la fois un gage d'amour et un témoignage de respect ; on ne le porte pas aux filles de mauvaise réputation car, en le plantant devant la maison, on veut proclamer que celle qui l'habite est digne, tout comme Marie Immaculée, de s'abriter et de dormir sous les blancs rameaux de l'aubépin.

Cerclier_002Enfin, au printemps, si une mère a son enfant malade de la fièvre, elle le prend dans ses bras et le porte devant la touffe la plus belle et la plus fleurie d'un buisson d'aubépin. Là elle s'agenouille, dépose devant elle son cher fardeau, baisse son front sur ses mains jointes, et prie du plus profond de son coeur. Puis elle se relève, embrasse l'enfant, le reprend dans ses bras, et rentre à la maison. Plus d'une fois une chaude larme a glissé entre ses doigts maternels, mais elle se console vite car bientôt son enfant est guéri.

En effet, l'aubépin, au dire des bonnes gens de chez nous, a une précieuse vertu pour les jeunes enfants que la fièvre tourmente : car la Vierge bénie entre toute les femmes a promis que la fleur de l'aubépin, pour avoir protégé son enfant contre la fièvre et le froid, aurait de toute éternité pouvoir de protéger de même les enfants des autres femmes.

Et ce n'est pas là simple croyance à une naïve légende, mais bien le vieux souvenir de vérités connues depuis plusieurs milliers d'années ; car la suprématie de l'aubépin sur les autres plantes est déjà proclamée dans la parabole des arbres et de l'épine, racontée par la Bible, en ces termes : alors tous les arbres dirent à l'aubépin :"Viens, toi, et règne sur nous". Et l'aubépin répondit aux arbres : "Si véritablement vous me choississez pour roi, venez et vous retirez sous mon ombre..." Et ainsi il est dit au chapitre IX du livre des Juges.

"Légendes Bourbonnaises" Texte du docteur Piquand. Fascicule 1 "Néris"

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